Histoire de spectre
Nous en sommes rendus à un peu plus d’un an de mise en application de la nouvelle loi sur l’IEF, et donc au deuxième tour de manivelle des académies dans le traitement des dossiers de demande d’autorisation.
On assiste à une hétérogénéité crasse des décisions académiques à travers le territoire, de l’open bar à la fermeture totale du robinet pour le motif 4.
Est-ce juste de l’amateurisme, de l’incompétence, un rythme pachydermique ? Ou est-ce qu’il s’agit d’autre chose ?
Le Conseil Constitutionnel savait très bien qu’en renvoyant la patate chaude de “l’intérêt supérieur de l’enfant” devant les juges, cela créerait un chaos juridique. Le calcul politique a vite été vu, et c’est le “Demerden Sie sich” qui l’a emporté.
Donc l’hétérogénéité comme stratégie assumée de dégradation des conditions de pratique de l’IEF était au moins assez claire de la part de Blanquer, sous couvert de bonnes intentions affichées.
On se retrouve donc avec des rectorats qui ont a leur disposition tout un spectre de positionnements plus ou moins restrictifs pour appliquer la loi. Ils tentent. Si ça déclenche un RAPO ou une action en justice, tant pis, au moins on aura essayé d’en supprimer un maximum.
Dans une certaine mesure, c’est logique. A partir du moment où il est manifeste que le régime dérogatoire n’est EN RIEN une arme pour lutter contre le séparatisme, c’est l’interdiction pure et simple qui le devient. Donc tout ceux qui au sein de l’Education Nationale ont pris à leur compte les mesures d’affichage politique de Macron sur ce volet ont toute latitude pour refuser en masse.
Bien sûr, on ne peut pas motiver un refus par une suspicion de séparatisme, puisque les pièces demandées dans les dossiers d’autorisation sont des éléments pour positiver l’autorisation et ne surtout pas discriminer telle ou telle population (modulo le bac des instructeurs). Et les éléments fournis ne sont pas non plus destinés à juger du bien fondé d’un projet pédagogique par rapport aux particularités d’un enfant.
Du coup, qu’est-ce qu’il reste ? Le déni, l’hypocrisie, le non sens. Certains refus prolixes sont ainsi détaillés :
- Des paragraphes niant la situation propre de l’enfant, en considérant que les comportements décrits sont les mêmes que chez tous les enfants (et que donc ils peuvent être pris en charge par le corps enseignant comme pour tous les autres)
- Des paragraphes reprenant des éléments du projet pédagogique pour affirmer que les éléments du socle commun qui y sont décrits font partie du programme scolaire (encore heureux, non ?) et que DONC ce n’est pas un motif de déscolarisation (sauf qu’à aucun moment les parents ne l’utilisent comme tel…)
- Quant il ne s’agit pas purement et simplement de “l’absence d’obstacle à la scolarisation”
Il serait sans doute bon de rappeler à ce stade, en attendant le vade-mecum sensé “harmoniser” ses pratiques, que l’absence de choix alternatif à l’école pour l’instruction des enfants est une pente savonneuse. Placer une obligation scolaire entre les mains d’un régime autoritaire, personnellement, je vous le déconseille, ça ne crée que des expatriés.